Dossier : La sémiologie OCT dans les pathologies maculaires
L’interprétation des examens d’imagerie rétinienne par les machines dépassera-t-elle un jour celle faite par le cerveau humain des ophtalmologues ? La réponse ne paraît pas une évidence à l’heure où l’intelligence artificielle (IA) fait de plus en plus la une de nos congrès et s’octroie la vedette avec des sessions qui lui sont entièrement dédiées…Il est vrai que les algorithmes d’IA sont aujourd’hui capables de diagnostiquer la rétinopathie diabétique avec une sensibilité et spécificité proches de 90% et que des algorithmes de plus en plus précis se développent pour la détection de la DMLA. Dans ce contexte, nous avons tout de même souhaité revenir à la base de notre spécialité (et de la médecine en général) qu’est la sémiologie !
Ce dossier est donc consacré à la sémiologie OCT, et plus largement à l’imagerie multimodale des pathologies maculaires, et a pour objectif de voir ou de revoir les différents signes à ne pas manquer dans plusieurs pathologies, pour aller plus loin dans le diagnostic ou la compréhension de celles-ci.
Nous verrons tout d’abord les principaux signes OCT à connaître dans la DMLA, décrits par les Drs Sara Touhami et Ali Erginay. En effet, si le diagnostic de néovaisseaux choroïdiens peut paraître aisé, il existe des situations à ne pas méconnaître pouvant conduire à la réalisation d’injections intravitréennes inutiles, telles que la présence de tubulations rétiniennes, dont le diagnostic sera facilité par leur visualisation sur l’OCT en face. De même la présence de matériel pseudo-vitelliforme fragmenté peut, à tort, être considéré comme une exsudation d’un néovaisseau actif ; le Dr Violaine Caillaux décrit dans son article comment les différencier. Aussi, le diagnostic des différents types de DEP (drusenoïde, séreux, séro-vasculaire ou fibro-vasculaire) nécessite une analyse fine de l’imagerie multimodale et notamment du contenu du soulèvement de l’EP, comme nous le décrit très bien le Dr Thomas Desmettre. Enfin, pour finir sur la sémiologie de la DMLA, le Dr Oudy Semoun et collaborateurs nous rapportent la récente classification internationale de l’atrophie basée sur l’OCT B-scan, qui en permet une étude bien plus précise que la photographie couleur et l’autofluorescence, et en définissent la nouvelle terminologie (c-RORA, i-RORA, c-ORA, i-ORA).
L’OCT est également devenu le gold standard pour le diagnostic et le suivi d’un œdème maculaire quelle qu’en soit son origine. Le Pr Frédéric Matonti et collaborateurs décrivent ici comment une analyse fine des coupes d’OCT B-scan permettra le plus souvent d’identifier la cause de l’œdème, mais aussi d’en définir le pronostic fonctionnel. Les membranes épi-rétiniennes idiopathiques peuvent également être une cause de survenue de logettes cystoïdes intra-rétiniennes, probablement suite à la traction exercée sur les cellules de Müller entraînant leur dysfonctionnement. Le Dr Raphaël Thouvenin expose les différences qui existent entre ces logettes dites tractionnelles et celles liées à une véritable rupture de la barrière hémato-rétiniennes, dites exsudatives. Il décrit également les différentes modifications de l’architecture rétinienne maculaire induite par les MER qui sont maintenant mieux identifiées sur les coupes d’OCT B-scan en haute résolution.
Ce dossier parcourt donc dans différentes pathologies maculaires, comment une analyse fine des coupes d’OCT, associée à celle des autres examens d’imagerie multimodale tels que l’angiographie mais aussi l’OCT-angiographie et l’autofluorescence, permet le plus souvent un diagnostic précis et une analyse du pronostic fonctionnel. Notre compétence reste encore donc bien d’actualité et l’IA, malgré ses progrès, aura certainement encore besoin d’entraînement sur des milliers d’images, dont le champ et la résolution sont aussi en constante évolution, avant d’arriver à intégrer toutes ces données.
Je vous souhaite une agréable lecture !
Aude Couturier
Hôpital Lariboisière, Paris
Directeur scientifique des Cahiers d'Ophtalmologie
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