Dossier : Greffes et thérapeutiques innovantes de la cornée
Les pathologies cornéennes sont une des premières causes de cécité dans le monde. Ce constat est souvent méconnu dans les pays industrialisés car les règles d’hygiène et les traitements anti-infectieux limitent considérablement l’impact des kératites infectieuses. Néanmoins les atteintes sévères de la cornée restent des sources de malvoyance et de cécité dans ces pays. Les principales étiologies des pathologies graves de la cornée dans les pays occidentaux sont d’origine dégénérative, génétique ou traumatique. Il s’agit notamment de la cornea guttata, du kératocône, des dystrophies cornéennes, des atteintes cornéennes neurotrophiques et des traumatismes cornéens. Leur retentissement sur la vision est lié à l’atteinte d’une ou plusieurs des grandes fonctions physiologiques de la cornée : transparence, pouvoir optique, barrière entre le milieu extérieur et les milieux intraoculaires, renouvellement de la couche superficielle (l’épithélium), hydratation de la surface cornéenne, maintien du taux d’hydratation stromale, sensibilité… Au cours des 20 dernières années, les innovations thérapeutiques ont permis des progrès considérables dans la prise en charge des pathologies sévères de la cornée. Ces innovations proviennent des sciences fondamentales et des techniques chirurgicales. Elles ont permis de repousser les limites de la thérapeutique dans des pathologies jusqu’alors intraitables (kératite neurotrophique, insuffisance limbique) et d’améliorer l’efficacité et la sécurité des traitements antérieurs par le développement d’une chirurgie moins invasive ciblée sur la couche déficiente de la cornée (greffe lamellaire antérieure et greffe endothéliale). Dans ce dossier, 3 grands thèmes d’innovation thérapeutique sont abordés : le traitement chirurgical (neurotisation) et médical (NGF) des kératites neurotrophiques ; le développement des kératoplasties lamellaires antérieures profondes et des greffes endothéliales pour le traitement des pathologies stromales et endothéliales ; et la greffe de cellules souches limbiques au cours des insuffisances limbiques sévères. Les indications de ces traitements innovants sont portées sur une analyse sémiologique précise de l’atteinte des diverses fonctions physiologiques cornéennes. Il est donc important de savoir évaluer ces fonctions : sensibilité cornéenne, trophicité de l’épithélium cornéen, état du film lacrymal, transparence et taux d’hydratation du stroma cornéen. Tester la sensibilité cornéenne est un geste simple qui est pourtant très souvent oublié. Mesurer l’épaisseur cornéenne permet d’évaluer le taux d’hydratation du stroma. Mettre une goutte de fluorescéine permet d’évaluer l’état de l’épithélium cornéen… Parmi les traitements innovants abordés dans ce dossier, si certains sont de pratique courante (greffe lamellaire antérieure, greffe endothéliale), d’autres en sont encore au stade de développement, accessibles en milieu hospitalier hyperspécialisé (neurotisation, NGF, cellules souches limbiques). Ils doivent être intégrés à l’ensemble des thérapeutiques cornéennes. Ils font partie de l’évolution vers une médecine individualisée dans laquelle le principe « one size fits all » n’a plus cours. Il n’est plus possible de se contenter de reconnaître une maladie pour mettre en place son traitement. Il faut définir les origines de la maladie et ses conséquences physiologiques afin de déterminer le traitement le mieux adapté à un patient donné. Ces innovations thérapeutiques sont porteuses d’espoir pour les patients et les ophtalmologistes, car elles sont synonymes d’une meilleure efficacité et d’une plus grande sécurité. Elles sont également passionnantes pour nous, car elles apportent une rupture dans la routine de la pratique quotidienne.
Vincent Borderie
CHNO des Quinze-Vingts, Paris
La kératopathie neurotrophique (KNT) est une maladie secondaire à une diminution ou à une abolition de la sensibilité cornéenne. En l’absence de traitement, elle peut évoluer vers la perte anatomique et/ou fonctionnelle de l’œil atteint. L’objectif de la prise en charge thérapeutique…
La kératite neurotrophique (KN) est une maladie cornéenne dégénérative rare liée à une atteinte de l’innervation de la cinquième paire crânienne, le nerf trijumeau. Le traitement de cette affection, qui peut entraîner un ulcère chronique à risque de complication grave, vise à obtenir…
L’émergence des nouvelles techniques chirurgicales lamellaires permet de redéfinir le paysage de la greffe de cornée en France tant dans ses pratiques que ses indications. L’Agence de la biomédecine (ABM) supervise et contrôle toutes les étapes de la transplantation d’organes, de tissus…
Le déficit complet en cellules souches limbiques reste une des pathologies cornéennes les plus graves et les plus difficiles à traiter. Néanmoins les progrès des connaissances sur le renouvellement des cellules épithéliales cornéennes réalisés au cours des 20 dernières années ont permis…