Adaptation en lentilles des patients âgés Quelles possibilités ?

La définition d’une personne âgée est difficile, et si l’Organisation mondiale de la santé en fixe la limite inférieure à 60 ans, cet article traitera de l’adaptation de sujets dont l’âge est problématique, du fait de déficits moteurs, neurologiques ou mentaux, sensoriels ou sensitifs, ou de pathologies de la surface oculaire, le plus souvent après la ­huitième ou la neuvième décade.

Modifications anatomo-physiologiques

Indications

Quelles lentilles utiliser ?

Exemple 1. Georges, 73 ans, greffé de moelle osseuse après une leucémie et ayant développé une réaction du greffon contre l’hôte (GVH)

Adressé pour une kératite herpétique bilatérale au stade de perforation cornéenne à l’œil droit (OD) et de préperforation à l’œil gauche (OG), avec une acuité réduite à la perception des mouvements à droite et 1/10 faible à gauche, il bénéficie d’une greffe de membrane amniotique sur chaque œil avec la mise en place d’une lentille pansement ­pendant une dizaine de jours. Dans les suites, le frottement des cils ectopiques a donné lieu à de multiples chirurgies palpébrales et sont adaptées des lentilles sclérales ICD d’un diamètre de 16,5 avec une flèche de 4 300 µ. L’appui conjonctival au bord étant serré avec un arrêt de circulation capillaire et un aspect de blanchiment (A), ­l’ouverture du rayon scléral (SLZ pour scleral landing zone) de -3 puis de -5 rend le port moins inconfortable (B). Malgré une mouillabilité insuffisante (C), les lentilles portées permettent une réhabilitation visuelle (2/10 OD et 5/10 OG) et la récupération d’une surface cornéenne beaucoup moins inflammatoire.

Exemple 2. Marianne, 95 ans, a un lourd passé ophtalmologique : DMLA (confluence de drusen sans néovaisseaux) [A et B], glaucome actuellement agonique (malgré un traitement chirurgical, laser et médical) [C], entropion (opéré mais avec une repousse itérative de cils ectopiques) [D, flèche]. Elle ne perçoit plus que les mouvements. Elle présente également une kératite chronique avec des néovaisseaux et une épithélialisation cornéens à gauche [E], ainsi que des précipités descémétiques pendant les poussées inflammatoires.

La pose d’une lentille en lotrafilcon B à port continu pendant 30 jours (F) permet d’atténuer l’état inflammatoire cornéen, mais requiert une surveillance au moins mensuelle et la coopération du personnel soignant de l’établissement de résidence à la moindre modification, les consignes étant de déclencher une consultation en présence d’une inflammation persistante au retrait ou en cas d’impossibilité d’enlever la lentille. Quand la lentille n’est pas perdue et que l’œil n’est pas sécrétant, l’état trophique de la surface s’améliore (G et H).

Exemple 3. Colette, 87 ans, est suivie pour une DMLA exsudative lui laissant une acuité bilatérale à 1/10 corrigée

La douleur à l’OG est le motif de consultation en urgence, avec une lésion pseudo-dendritique (A). Un traitement antiherpétique par voie générale est mis en place par précaution avec, en complément, une antibiothérapie topique. Une semaine plus tard, la topographie de l’ulcération s’est modifiée : plus étendue et sans pseudo-dendrites, avec persistance de la sensation douloureuse (B). La pose d’une lentille Senofilcon de Ro 8,4 et de puissance nulle a permis en 48 heures la cicatrisation complète (C et D).

Exemple 4. Maria, 91 ans, atteinte d’une démence sénile avec amnésie, est néanmoins entourée par ses enfants qui l’amènent en consultation chaque mois. Les douleurs accompagnant sa kératite en bandelette (A) ont cédé à la pose d’une lentille en lotrafilcon de puissance nulle et de rayon 8,40 (B). Après 4 ans, l’état de surface cornéen s’est nettement amélioré (C) au prix d’une lutte mensuelle lors du retrait et de la repose de la lentille.

Conclusion

Auteurs

  • Jean-Philippe Colliot

    Ophtalmologiste

    Centre hospitalier national d’ophtalmologie des Quinze-Vingts, Paris

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